AMD vient de dévoiler une carte graphique, la R9 Fury X, jugée décevante par la plupart des observateurs. Depuis plusieurs générations de cartes, il semble qu’Advanced Micro Devices ne parvienne pas à prendre l’ascendant sur ses compétiteurs, s’agissant tant des cartes graphiques que des processeurs. Que reste-t-il à AMD ?

Un problème de taille
Le jeu de mot est facile, mais il montre un problème bien réel : sur chacun des segments sur lesquels
AMD est présent se trouvent des compétiteurs d’une taille bien plus grande que celle de la marque rouge.
Tout d’abord, AMD est une entreprise «
fabless », ce qui signifie qu’elle ne fabrique pas tous les composants nécessaires à l’assemblage des processeurs qu’elle fabrique. Elle doit donc faire appel à des
fonderies pour acquérir ces composants. Sur le secteur des processeurs, AMD est en concurrence directe avec Intel, qui est un
IDM (pour «
Integrated Device Manufacturer »), c’est-à-dire qu’au contraire des «
fabless », l’entreprise contrôle l’ensemble de la chaine de production, et fabrique tous les composants des processeurs. Considérant la taille d’AMD, l’organisation
fabless est vraisemblablement plus adaptée car moins coûteuse, mais il n’en est pas moins qu’être
intégrée donne un avantage à Intel, qui gagne en
flexibilité, mais aussi en coordination des efforts et des tests de R&D.

Sur le segment des GPU,
Nvidia est aussi
fabless, et travaille principalement avec
TSMC, mais aussi avec
Samsung pour acquérir les composants nécessaires à la fabrication des GPU. S’il fallait voir un avantage sur ce point, AMD a probablement une relation plus stable et pérenne avec ses fournisseurs, étant donné que l’actionnaire majoritaire d’AMD est également le propriétaire de
Global Foundries, qui est le fournisseur principal d’ADM. Ainsi, la structure
fabless d’AMD ne doit pas engendrer de tensions ni de négociations trop ardues avec les fournisseurs en amont. Il n’en est pas moins qu’Advanced Micro Devices a fort à faire ne serait-ce que pour maintenir la tête hors de l’eau face à la vague verte de Nvidia.

Le problème d’AMD et de sa branche anciennement
ATI vient en effet du fait qu’elle concurrence un «
pure player» : AMD joue sur plusieurs tableaux, des processeurs desktop & laptop aux processeurs serveurs, en passant par les processeurs graphiques. Exceller dans tous ces domaines demande un effort de R&D
titanesque, et Nvidia, qui se concentre très clairement sur les GPU, peut mettre toute sa R&D sur ce segment de produits. Par conséquent il n’est pas étonnant qu’AMD ne parvienne pas à rattraper son retard, voir accumule du retard au fil des années.
Sur le secteur des solutions pour les serveurs et datacenters, le problème se répète : AMD est confronté à des
pure players spécialisés reconnus et efficaces dans leurs domaines respectifs.
Globalement, le problème de la taille et de la diversification d’AMD ont plusieurs impacts négatifs : tout d’abord, les dépenses
recherche et développement sont réparties sur des domaines différents et pas nécessairement complémentaires, ce qui en diminue l’efficacité. D’autant plus qu’AMD n’a pas les moyens d’investir autant que ses concurrents, comme le montre le tableau suivant :

En outre, la taille réduite d’AMD rend la tâche plus ardue pour vendre les produits, car les efforts marketing et commerciaux sont plus modestes que ceux des concurrents. Pour résumer, AMD est trop petite pour être aussi diversifiée, et des changements draconiens sont nécessaires si l’entreprise veut reprendre de sa superbe plutôt que de suivre ses concurrents.
Une nouvelle stratégie pour AMD
Il nous semble clair qu’AMD est aujourd’hui dans une très mauvaise passe, et nous n’envisageons pas qu’il soit possible à l’entreprise de se relever sans une profonde mutation. Nous allons donc explorer les possibilités qu’il reste à AMD pour renaitre de ses cendres.
Un premier pas dans la bonne direction a été franchi il y a quelques semaines : d’après Reuters, AMD a récemment fait appel à une société de conseil afin d’évaluer la possibilité de se
séparer de sa division dédiée à la conception de solutions pour les serveurs. Une telle séparation serait une excellente chose pour AMD : si la concurrence est rude pour ce qui est des GPU et CPU pour ordinateurs, la bataille n’est pas irrémédiablement perdue, preuve en est qu’AMD équipe toujours les consoles de jeu de salon. Mais les perspectives sont bien plus sombres dans le domaine des serveurs : les
FPGA et
ASICs montent en puissance, et Intel vient d’acquérir un spécialiste de ces solutions,
Altera, ce qui pourrait lui donner encore une autre longueur d’avance. AMD ne peut pas se permettre de diluer son effort de R&D sur ce secteur pour se livrer à une bataille perdue d’avance.
Cette séparation permettrait également à AMD d’augmenter ses moyens financiers, et donc potentiellement de faciliter sa gestion courante mais également d’augmenter la recherche et développement de l’entreprise.
Une autre stratégie pour AMD serait de se faire
racheter par un autre acteur majeur du secteur. Cette piste pourrait être intéressante pour AMD, et semble être un scénario réaliste. L’entreprise a une valeur boursière qui ne s’élève qu’à
2 milliards de dollars, contre
11 milliards pour Nvidia et
147 milliards pour Intel. L’un des acheteurs potentiels est
Qualcomm, qui fabrique principalement des processeurs pour smartphones, et qui souhaite diversifier ses activités.

Un des freins à cette solution est l’opposition de l’actionnaire majoritaire, le fond d’investissement
Mubadala, localisé aux
Emirats Arabes Unis, qui semble hostile à une telle opération. En outre, une telle transaction se solderait sans aucun doute par une
restructuration très importante de l’entreprise, vraisemblablement plus douloureuse que si l’entreprise entreprenait les mutations que nous avons évoquées plus haut.
Par
Hector
source : Cowcotland